Allan Deneuville, « De l’écran à la page : déjouer la logique des plateformes numériques et redéfinir le livre »

Allan Deneuville

Diplômé d’une licence de philosophie de l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris I), de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris et du master de création littéraire de l’Université Vincennes–Saint-Denis (Paris VIII), Allan Deneuville est aujourd’hui doctorant contractuel en cotutelle entre l’École universitaire de recherche ArTeC sous la direction de Yves Citton, et l’Université du Québec à Montréal (UQAM) sous la direction de Bertrand Gervais.

Sa thèse de doctorat, intitulée « CTRL-C/CTRL-V : Écrire après les réseaux sociaux », porte sur l’appropriation et la circulation des textes sur et à partir des réseaux sociaux. Il est co-fondateur du projet de recherches et de créations « Après les réseaux sociaux » et il vient de co-diriger le numéro 22 de la revue Formules de l’université de l’état de New York à Buffalo portant sur les liens entre littératures, performances et technologies.

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2 réflexions au sujet de “Allan Deneuville, « De l’écran à la page : déjouer la logique des plateformes numériques et redéfinir le livre »”

  1. Bonjour Allan,
    Merci pour votre présentation!
    J’ai été en partie intriguée par l’appellation « littérature » pour ces objets d’étude. Au cours de la présentation, vous faites d’ailleurs des distinctions entre littérature commerciale, littérature conceptuelle, etc. Comment définiriez-vous ce nouveau type de littérature que vous étudiez ? (à un moment, vous parlez de « textualités numériques ») Vous préférez ne pas utiliser l’idée de « ready-made textuel », mais elle me semblait intéressante dans l’idée toute duchampienne d’une sélection de textes par indifférenciation esthétique. Je me demande d’ailleurs si (et comment – selon quels critères – le cas échéant) Cory Arcangel ou Steve Giasson sélectionnent les passages qu’ils éditent ?
    J’ai beaucoup apprécié votre conclusion sur la vision technocritique de la littérature numérique papier qui interviendrait comme vacuole nécessaire dans les flux (y a-t-il une référence à Yves Citton ici?)
    Bien à vous,
    Barbara

    • Bonjour Barbara,

      Je vous remercie pour votre écoute et pour votre question.
      Pour ce qui concerne l’appellation de littérature. Je pense en effet que ces objets n’ont pas à sortir du cadre de la littérature. Selon moi, l’idée de littérature comme une unité entre le livre, l’oeuvre et l’auteur est une création datant de la Modernité. Mais le littéraire n’a jamais été que ça! Les aèdes et autres troubadours nous montrent que, dans l’histoire, la littérature a connu différentes formes. Il me semble donc politiquement intéressant de conserver, en tant que chercheur, ces objets au sein de la littérature. Cette notion n’étant qu’une « construction », c’est à nous de travailler à son extension. L’idée sous-jacente est donc de travailler de l’intérieur le champ littéraire pour élargir ses propres grilles d’analyse.
      Pour définir ce genre de littérature, de nombreux thèmes sont apparus ces quinze dernières années :
      — Littérature hors-du-livre ou exposée (Ruffel et Rosenthal)
      — Néolittérature (Nachtergael)
      — Non-littérature (Théval)
      — Littérature conceptuelle (Goldsmith)
      Pour ma part, je vois vraiment cela comme un travail d’extension de la notion de littérature. Je préfère donc employer une métaphore spatiale. J’ai alors tendance à parler de « Littérature élargie », faisant référence à la notion de « cinéma élargi » (Expanded Cinema) proposé par Gene Youngblood en 1970.

      Pour ce qui concerne la notion de ready-made textuel. Je suis assez sceptique. J’ai l’impression que lorsqu’on l’emploie, on ne dit pas grand-chose. La notion devient vite un fourre-tout. Surtout, j’ai l’impression qu’elle ne met pas assez l’accent sur les processus de copie et sur travail de remédiation. Il serait long d’expliquer tout cela ici, mais si cette question vous intéresse, je vous renvoie à cet article : https://www.cairn.info/revue-communication-et-langages-2020-1-page-135.htm?contenu=resume dans lequel je traite de cette question.

      Pour la question de l’édition des textes récoltés, les artistes ont différentes pratiques. Pour Giasson, il publie tout dans la version de 30 000 pages qu’il expose. Dans la version de 2000 pages en PDF, il s’arrête en remontant dans le temps. Son travail me fait énormément penser à la photographie « objective » d’un instant T d’une situation textuelle.
      Pour Arcangel, il sélectionne et agence selon un goût personnel et des choix esthétiques subjectifs.
      Ce sont deux démarches radicalement différentes. Et je ne suis pas sûr qu’elles aient vraiment grand-chose à voir. J’essaie donc dans mon travail de recherche de les distinguer alors qu’on pourrait avoir tendance à les ranger sous la catégorie homogénéisante d’ « uncreative writing ».

      La littérature numérique papier comme vacuole fait bien sûr référence à Yves Citton, mais également à Deleuze qui parle des « vacuoles de non-communication ». L’un et l’autre ayant une importance déterminante sur mon travail.

      Je vous remercie encore pour votre écoute attentive et vos retours.

      Bien à vous,

      Allan

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